A Bordeaux, dans la grande Nouvelle-Aquitaine, la tradition occitane ne doit pas être oubliée. Rencontre avec Pierre Coussy, président de l’association Ostau Occitan.
Cette association est présente à Bordeaux depuis un moment déjà et vient de souffler ses 50 bougies. Son but est d’œuvrer pour la promotion et le développement de la culture et de la langue occitane à Bordeaux, mais aussi au-delà des murs de la ville. La langue occitane, dite langue d’Oc, a toujours été bien présente à Bordeaux mais a perdu en reconnaissance au fil des années. On retrouve encore des vestiges de la langue, comme des noms de rues, voire de villes. Lacanau à une cinquantaine de kilomètres de Bordeaux signifie par exemple « le canal » en occitan ! La langue en elle-même ainsi que ses différentes variantes ont des racines jusque dans le Limousin et dans le Sud-Est : si on devait matérialiser les frontières du Pays d’Oc, elles seraient vastes : du centre de la France au sud, sans toutefois passer par le Pays-Basque.
Pourquoi alors Bordeaux n’est-elle pas plus marquée par cette langue ? Un des facteurs pourrait être la honte de cette langue que les citadins réservaient aux paysans. L’exode rural du XIXème siècle a poussé les ruraux dans les villes et les a forcé à prendre le pli de la langue française commune et uniformisée. La « vergonha » (prononcé « bergougne » et qui en français peut se traduire par honte ou vergogne) décrit ce sentiment de honte obligeant à renoncer à ses origines et à sa langue pour mieux se fondre. La langue a perdu peu à peu en popularité. Un auteur de l’époque, Frédéric Mistral, avait pourtant appelé à l’unification du Pays d’Oc et à la valorisation de la culture occitane. Un autre, Meste Verdie, était alors l’auteur occitan le plus populaire sur le territoire français. Il est un des auteurs bordelais à avoir été le plus réédité. Il n’a pourtant qu’une petite plaque à son nom à Bordeaux. Un siècle plus tard, des mouvements liés au mouvement soixante-huitard font revivre l’occitan par la culture. C’est par ces mouvements qu’est née à Bordeaux l’association Ostau Occitan en 1968. La ville de Bordeaux n’a pas vraiment suivi ce mouvement. L’ancien maire Jacques Chaban-Delmas était beaucoup plus tourné vers le modèle de la capitale française qui a longtemps incarné un idéal de modernité et a quelque peu poussé à l’uniformisation des langues et des villes en France. De nos jours, Alain Juppé, maire actuel, ne prend pas non plus le chemin de la reconnaissance de la langue. Des villes au fort passé Occitan font pourtant des efforts pour faire vivre la langue. Toulouse, entre autres, travaille depuis quelques années à la mise en place d’une signalétique bilingue en occitan de même qu’Agen par exemple. A quand le tour de Bordeaux ?
Tout n’est pas perdu pour autant ! L’association propose de nombreuses opportunités d’en apprendre davantage sur la langue. L’Institut d’Etudes Occitanes, représenté à Bordeaux par Ostau Occitan, dispense des cours d’occitan dans la région. Une école bilingue à Pessac, la Calendreta de la Dauna, propose des cours en occitan et en français pour les enfants. De plus, l’association Ostau Occitan organise de temps en temps des événements à Bordeaux et hors les murs, que l’on peut retrouver sur leur page Facebook et sur Twitter. Le Festival Mascaret par exemple, a lieu tous les ans en ville mais aussi à l’extérieur et propose aussi bien des projections de films que des discussions, un marché, de la musique… Il montre en somme la variété de la culture Occitane. L’association est aussi à l’origine de visites guidées de Bordeaux. Nouveauté pour le mois de février : des rencontres tous les mardis de 18h45 à 20h30 sur la culture et la langue occitane, à Bordeaux ! Plus d’informations par ici.
L’occitan en déambulation
L’association Ostau Occitan organise des visites guidées en français ou occitan gascon de la ville de Bordeaux. Elles sont animées par le seul guide-conférencier à exercer en occitan en France : Julien Pearson. Ces visites permettent de découvrir ou redécouvrir une langue, mais aussi la culture occitane rattachée à la ville de Bordeaux. Les visites portent sur des sujets variés et se déclinent dans les deux langues, bien que la majorité se fassent désormais en français. Elles portent sur des thèmes ou des quartiers et mettent en relief les reliques occitanes que l’on ne pourrait pas voir à l’œil nu sans un point de vue averti. Et des reliques, en cherchant bien, on peut en trouver dans toute la ville et tous les quartiers.
Julien Pearson connait Bordeaux comme personne et saura vous amener à voir la ville différemment et à la comprendre grâce à son passé marqué par l’occitan. Les thèmes peuvent être choisis à la demande, mais mieux vaut réserver à l’avance pour les visites ! Elles sont annoncées sur la page Facebook.
Si l’on est bon marcheur, pourquoi ne pas faire un tour à l’Université Bordeaux-Montaigne ? On peut aussi y dénicher de fervents occitanistes.
L’occitan à l’Université
La langue occitane est présente depuis longtemps dans les couloirs de l’Université Bordeaux-Montaigne, mais depuis peu, des cours d’occitan du niveau A1 à B2 sont proposés et dès 2018 et un diplôme universitaire sera ouvert aux étudiants. La langue occitane est depuis longtemps présente à l’Université, mais l’apprentissage de la langue à part entière avec un diplôme à la clef est une nouveauté ! Pour pratiquer et en apprendre plus sur cette langue régionale composée de multiples dialectes, une association a vu le jour en décembre 2016 : Bord’òc.
Depuis la rentrée, on peut se rendre en salle D001, local de l’association Bord’oc à l’Université Bordeaux Montaigne mais aussi assister à des rencontres, une semaine sur deux, et des événements. Tout au long de l’année, l’association propose des rencontres à thème et des cafés-langues permettant de pratiquer une langue régionale propre au sud de la France. Etudiants bordelais et de Nouvelle-Aquitaine, c’est de votre héritage linguistique qu’il s’agit ! L’année universitaire passée, par exemple, une rencontre a eu lieu sur les contes et légendes occitans. En avant donc les loups et sorcières terrifiant les villages limougeauds et dévorant les nouveaux-nés. De temps à autre, s’ajoutent à cela des projections de films ainsi que des concerts.
En somme, la langue occitane n’est pas morte à Bordeaux et ses alentours, loin de là ! Nombreux sont ceux à vouloir lui donner un nouveau souffle. Et bien sûr, bona annada !