Festival Echappée Belle 2024 . Happen © Pierre Planchenault

Evénement

Échappée Belle 2024 – Escapade en terre poétique

By Ninon Boyer
10 juin 2024

Me lever tôt un samedi matin, faire 1h45 de transport en commun pour arriver sur le site du festival, braver une météo incertaine : voilà le prix à payer pour passer une magnifique journée au Festival Échappée Belle ! Qu’importait : j’étais certaine que je ne serais pas déçue de ce moment suspendu passé au Parc de Fongravey, écrin convivial qui, depuis 33 ans déjà, s’anime chaque printemps au rythme des performances des artistes appelés à l’investir.

Et je peux vous dire que j’ai bien fait d’endurer sans broncher ces petites tribulations, car elles ont donné davantage de saveur à chacune des propositions artistiques auxquelles j’ai assisté. Retour sur quatre spectacles vus ce samedi 1er juin 2024.

Les Misérables – Compagnie Les batteurs de pavés

Pas besoin d’être plus de deux (quand on fait partie de la Compagnie Les batteurs de pavés) pour incarner habilement ce roman qui fait œuvre. Enfin si, car au fil de l’histoire, la liste des personnages s’allonge, s’allonge, s’allonge… Jean Valjean, Fantine, Cosette, Marius, les Thénardier, Gavroche… Tant de personnages dont il est jouissif de laisser la libre interprétation à des enfants choisis au milieu du public, des ados qui se portent volontaires, des adultes triés sur le volet dans la foule dense assise devant l’espace de jeu. Et puis, il faut le dire, ça coute moins cher à la troupe de faire intervenir ces “artistes” qui acceptent volontiers de se prêter au jeu “sans toucher de cachet, comme en Chine” (ndlr : phrase prononcée par l’un des comédiens pendant la représentation). Non, la vraie raison c’est que nos narrateurs sont si habiles qu’ils arrivent à nous envoyer illico dans un univers complètement délirant, en s’emparant simplement d’une matière vivante qu’ils ont sous la main : les humains ici présents.

Pas de costume, pas de scénographie, pas de lumière, pas de musique : le texte et le jeu collectif suffisent. Ce process de “casting sauvage en live” pour dénicher des comédiens au cœur du public est ce qui rend le tout on ne peut plus vivant. C’est cette spontanéité et le talent d’Emmanuel Moser et Laurent Lecoultre (les comédiens), qui permet à cette joyeuse troupe (qui comptera jusqu’à trente membres à la fin de la représentation) de créer un moment hors du temps où l’on rit grâce à des situations cocasses, des jeux de mots étonnants et des non-sens jubilatoires. Aurais-je imaginé que Les Misérables me feraient pleurer de rire un jour dans mon existence ? Je ne le croyais pas, mais c’est désormais chose faite !

Les misérables . Cie Les batteurs de pavés . Happe:n © Maxime Robert

Les conférences de poches – Léon Lenclos

Teint blême, traits tirés, chemise pâlotte boutonnée jusqu’en haut et cernes marqués, notre orateur du jour est une personnification parfaite de ce que peut nous évoquer le terme de “conférence” : un truc chiant et fade qu’il faut se farcir pour élever notre esprit. Mais même s’il fait tout comme un bon professionnel du milieu (boire des gorgées d’eau toutes les trente secondes, faire des schémas au marqueur noir sur son paperboard blanc immaculé et déblatérer en s’écoutant parler), Léon Lenclos nous propose un discours loufoque de haut vol qui fait sourire et laisse rêveur. Avec lui, sa finesse d’esprit et sa poésie, ce voyage en absurdie est une gourmandise à laquelle on ne saurait résister. Pour preuve, j’y suis retournée plus tard dans la journée et c’était tout autant réussi !

We agree to disagree – Collectif Malunés

À choisir, je préfère parler d’une aventure acrobatique plutôt que d’un spectacle de cirque. Parce que le collectif Malunés et ses huit artistes (musicien.ne.s, trapézistes, équilibristes, voltigeur.euse.s…) nous invitent à vivre une fabuleuse expérience à laquelle nous allons tous.tes participer ! Du montage aux envolées acrobatiques, le public est à la fois technicien, poète.sse, comédien, lecteur.rice, musicien.ne… Bref, ne t’attends pas à rester bien tranquille au fond de ta chaise Quechua amenée spécialement sur le parc Fongravey, car tu vas devoir la plier-déplier des dizaines de fois et la déplacer-redéplacer à autant de reprises. Si ce petit jeu peut être intéressant au début, j’avoue qu’il ne me permet pas d’être pleinement dans la contemplation et va me frustrer quelques fois… Mais cela ne gâche en rien le plaisir que j’ai eu à explorer la poésie aux côtés de cette bande aussi bluffante qu’attachante.

D’ailleurs, la musique jouée en live par des instrumentistes donne une couleur particulière à ce “spectacle total” qui se joue au plus près de chacun.e d’entre nous. Les artistes de cirque nous frôlent et nous font toucher du doigt le spectaculaire. Personnellement, même si j’ai très souvent assisté à des représentations qualifiées d’“immersives”, j’ai eu le sentiment d’avoir enfin compris ce que cela signifiait. Car faire corps avec les interprètes dans un élan collectif est une prouesse difficile à réaliser… et j’ai eu la sensation que c’était le cas à cet instant précis.

Clan Cabane – Compagnie La Contrebande

Tels des enfants fourmillant de joyeuses idées, cette brochette de cinq mecs complices nous invite à rejoindre leur bulle d’apesanteur. Deux trampolines, quelques sangles et plusieurs planches de bois est tout ce dont ils ont besoin pour nous transporter dans leur univers fait de découvertes allègres et naïves. Tout le monde s’amuse dans leur petit monde, les chorégraphies aériennes sont d’une beauté simple ; mais amplifiées par la musique jouée en direct par le beatmaker du groupe, cela leur donne davantage d’intensité, de poésie.

Avec Clan Cabane, pas de démonstration, et tant mieux ! Car c’est dans cette ambiance bon enfant qu’ils construisent ensemble les fondations d’un monde léger et plaisant, dans lequel on saute à pieds joints.

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Spectacles vus samedi 1er juin 2024 dans le cadre du Festival Échappée Belle

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