Les Editions de l’Abat-Jour exercent depuis près de 10 ans déjà à Bordeaux et diffusent des ouvrages hors des sentiers battus. Happe:n a discuté avec Marianne Desroziers, autrice et bénévole aux Editions de l’Abat-Jour, pour en apprendre plus !
Les protagonistes
Les Editions de l’Abat-Jour sont nées à la fin de l’année 2010, et fêteront leurs 10 ans en 2020. La création de la maison d’édition est d’abord l’œuvre d’un seul homme : Franck Joannic. Cette démarche correspond à sa volonté de publier des livres et des revues qui lui ressemblent ou qu’il aurait envie de lire. Marianne Desroziers l’a par la suite rejoint et accompagné dans cette démarche « avec enthousiasme », et a joué un rôle particulièrement important quant à leur revue littéraire L’Ampoule, ainsi que sur l’Anthologie littéraire décadente (récemment publiée). Franck Joannic est relecteur-correcteur, et consacre le maximum de son temps aux Editions de l’Abat-Jour. Marianne Desroziers est bénévole, et travaille quand elle le peut aux projets de la maison d’édition. Tous deux se considèrent comme les « maitres d’œuvres » de la maison d’édition, mais n’oublient pas pour autant que les ouvrages et revues sont le fruit du travail des auteurs et artistes qui y contribuent.
Sombre littérature et littérature sombre
Le Editions de l’Abat-jour ont une certaine tendance à publier des œuvres qui sortent de l’ordinaire. Sur le site, le ton est clairement donné : « Littérature exigeante et atypique : romans dérangeants, nouvelles incorrectes, humour noir et mauvais genre revendiqué ». Pourtant, d’après Marianne Desroziers, ce n’est pas un choix de départ, mais plutôt quelque chose qui découle de la littérature que Franck Joannic et elle aiment lire, qui est très éloignée des « feel-good books » en vogue ces derniers temps. Pour elle, la très bonne littérature est souvent sombre : Céline, Huysmans et Lautréamont sont des références essentielles à ses yeux. « Ce ne sont pas vraiment des joyeux drilles ! ». Pour les éditions de l’Abat-Jour, ce qui est primordial dans un livre, c’est sa force, son originalité, la radicalité et le style. D’autres auteurs, comme Lovecraft, ont pu inspirer l’auteur phare de la maison d’édition, Christophe Lartas.
Certains de leurs auteurs sont intéressés par les faits divers et ce qu’ils révèlent de l’âme humaine, d’autres sont immergés dans des univers fantastiques qui en disent beaucoup sur nos sociétés, d’autres encore penchent du côté de la critique sociale, sans pour autant oublier le souffle poétique qui porte leurs histoires (« car nous sommes attachés aux histoires et aux personnages »). Enfin, certains développent un univers tendre et drôle, inventif et foisonnant, influencé autant par la BD franco-belge que par l’humour des Monty Python… « car nous aimons rire aussi ! »
Le fonctionnement
Pour des raisons de coût, les vingt-quatre premières parutions de la revue L’Ampoule étaient numériques. Elle a longtemps gardé ce format, moins contraignant à mettre en forme. Franck et Marianne ne sont de plus que deux à travailler, et un format papier demande beaucoup d’investissement. Mais puisqu’ils aiment les livres papier, ils ont eu envie, naturellement, de se tourner finalement vers ce format. En décembre 2016, la première revue au format papier a vu le jour. Le cinquième numéro au format papier sortira le 15 juin prochain. Les livres et revues sont auto-diffusés et auto-distribués. On peut les trouver dans plusieurs librairies de Bordeaux et de Nouvelle-Aquitaine, ainsi que dans quelques autres en France (comme la libraire Ciel Rouge à Dijon, spécialisée dans l’art, l’imaginaire et la culture du fantastique). Il est aussi possible de commander directement depuis le site. Les Editions de l’Abat-Jour ne reçoivent pas de subventions, mais certains auteurs bénéficient d’aides du CNL ou CRL pour la rédaction de leurs livres. C’est la vente des livres et des revues qui permet de faire fonctionner la maison d’édition.
A la question « pourquoi une si grande variété de supports (articles, revues, hors-séries, livres…) on me répond « qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse… ». La forme n’en est pas pour autant délaissée ! Marianne Desroziers relève notamment le soin apporté aux détails des maquettes, qu’il s’agisse des livres ou des numéros de la revue. L’évolution du numérique vers le papier leur est d’ailleurs apparue comme une suite logique ; de même, la revue n’était au départ qu’une succession d’articles sur un blog. Les livres sont généralement tirés à une moyenne de 100 exemplaires (pour un premier tirage). La revue provoque un tel engouement qu’elle est quant à elle tirée à plus de 100 exemplaires.
Comment sont choisis les auteurs et autrices ?
Les auteurs édités sont choisis avant tout pour leur style, ainsi que pour le plaisir éprouvé à la lecture du texte. Pour l’Abat-Jour, c’est le style qui compte et aussi la justesse du propos, l’adéquation entre le fond et la forme. « Nous aimons aussi être surpris, voire déstabilisés par la construction, la narration, l’ambiance, les personnages. Recevant énormément de textes, nous sommes très exigeants sur ce que nous retenons ». De l’exigence, oui, mais pas de consignes pour autant. Les auteurs sont libres d’écrire ce que bon leur semble, et de donner libre cours à leur style, aussi personnel soit-il. La seule contrainte est le nombre de signes maximum pour écrire dans la revue qui est de 20 000. De plus, une image, une oeuvre d’un artiste contemporain, est proposée aux auteurs de la revue comme source d’inspiration. Il s’agit donc d’écrire un texte évoquant cette image. Cela reste une suggestion et les auteurs sont libres de choisir leur sujet. Chaque mois, la maison d’édition reçoit entre 40 et 50 manuscrits. Il faut ajouter à cela 250 à 300 textes pour chaque numéro de l’Ampoule ! De plus, il faut s’occuper des 200 à 250 propositions graphiques pour la revue. Il faut donc choisir avec soin parmi un choix d’œuvres conséquent.
Et pour la suite ?
Le travail gargantuesque ne fait pas peur aux Editions de l’Abat-Jour, et elles comptent bien perdurer, pour continuer à proposer une littérature des marges (« qui a tant apporté à la littérature blanche au cours des années », d’après Marianne Desroziers) et défendre les auteurs et artistes participant à la revue et à la publication des livres. Des projets sont en cours, comme un recueil de nouvelles fantastiques de Christophe Lartas, « Les Démoniaques », ainsi qu’un nouveau numéro de la revue L’Ampoule qui verra le jour en juin. Marianne Desroziers évoque aussi un ambitieux projet de livre d’art mêlant textes et dessins à paraître en fin d’année, ainsi que « quelques surprises pour 2020 ». « Nous avons la prétention de croire qu’au fil du temps, une petite communauté s’agrège autour de nous », déclare Marianne Desroziers. On imagine donc que les éditions de l’Abat-Jour on une longue vie devant elles !
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