Sans préliminaires, sous une lumière blafarde comme celle de nos écrans, Panos Malactos entre en scène sur une musique techno corsée, poussée à son maximum.
Il prend l’espace, déambule frénétiquement, chute violemment et prend la pose dès qu’il peut : duckface et signe « V » comme refrain inlassable. De l’énergie, il en met dans cette parade aguicheuse ! Au point de s’épuiser, jusqu’à en haleter… Gisant sur le sol, les yeux rivés vers le ciel, il reprend son souffle avant de se relever de cette entrée brutale, sonore et agressive. Brouillant les changements de rythmes chorégraphiques, les 140 BPM de la bande-son entêtante nous laissent dans cette ambiance azimutée, celle de notre société ultra-technologique et hypersexualisée.
Désormais debout derrière un micro, le performeur se met à nous conter (en anglais) quelques bribes de sa vie, voix monotone et transformée à la manière d’un assistant vocal. Comme si aucune émotion n’imprégnait son récit pourtant violent. Comme s’il s’agissait d’une série de stories instagram swipées par un follower indifférent. Sommes-nous imperméables à tout ce qui nous traverse aujourd’hui ? Le virtuel a-t-il supprimé ce qui fait l’essence de notre humanité ?
Peut-être pas… Car avec le jeu d’ombres qu’il joue maintenant derrière la toile en fond de scène, je me sens dans la peau d’un client d’une maison close qui tente de deviner ce qu’il se passe à quelques mètres de là, ce qu’il se prépare et qui m’attend. Comme traversée d’une foule de sentiments impatients.
Mais il ne revient pas pour nous proposer un moment tendre. Non. Car les relations d’aujourd’hui ne le sont pas. Il se met à tournoyer frénétiquement sur lui-même à la manière d’un derviche tourneur qui cherche ce moment jouissif de la transe. Cela me fait davantage penser à la vitesse à laquelle va notre monde gangréné par les technologies. A la perte de repères et aux relations insensées que nous vivons désormais… Il ne tourne pas : il titube. Il n’accède pas à la plénitude : il tombe dans la désespérance.
Terminant par un passage chorégraphique évocateur, à la manière d’un camboy s’offrant érotiquement à son public, Panos Malactos nous donne à voir un monde où les relations humaines sont abîmées par le porno et la sur-digitalisation.
Même les images les plus trash qu’il donne à voir en direct, sur scène, ne nous bousculent plus. Elles sont devenues la norme de ce qui est exposé quotidiennement sur nos écrans. Après avoir dépeint le portrait d’une société vérolée, à quand la dystopie ? En prenant en compte notre réel, que pouvons-nous imaginer pour demain ?
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Sadboi – Panos Malactos
Performance vue le 19 janvier 2024 à la Halle des Chartrons dans le cadre du Festival Trente Trente – Les rencontres
Compte Instagram de Panos Malactos
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Le Festival Trente Trente – Les Rencontres
Programmation complète de Trente Trente
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Photo de Une © Pierre Planchenault
Création graphique © Happe:n